Sybil 2002

Le texte évangélique

Jean 2, 1-11

1 Et le troisième jour il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus s'y trouvait. 2 Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. 3 Alors qu'on manquait de vin, la mère s'adresse à Jésus pour lui dire : « Ils n'ont plus de vin ». 4 Mais Jésus lui répondit : « Madame, pourquoi me dites-vous cela? Mon heure n'est pas encore venue ». 5 Sa mère dit aux garçons de table : « Quoi qu'il vous dise, faites-le ». 6 Il y avait là six jarres en pierre qui avaient été placées pour la purification des Juifs et qui contenaient chacune deux ou trois mesures de quarante litres. 7 Jésus leur dit : « Remplissez les jarres d'eau ». Et ils les remplirent jusqu'au bord. 8 Puis il leur dit : « Puisez maintenant et apportez au chef du service ». Et ils lui apportèrent. 9 Lorsque le chef du service goûta l'eau devenue du vin, - il n'en savait pas la provenance, les garçons de table, eux qui avaient puisé l'eau, savaient – il appelle le jeune marié 10 et lui dit : « Tout homme sert d'abord le meilleur vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as attendu jusqu'à maintenant pour servir le meilleur ». 11 Tel fut le début des signes qu'accomplit Jésus à Cana en Galilée, il rendit ainsi visible la qualité extraordinaire de son être, alors ses disciples crurent en lui.

Des études

Quand on a une fausse image de Dieu...


Commentaire d'évangile - Homélie

Qui est vraiment Dieu?

« J'ai vu du sang, partout... Ils ont tiré dans la foule. On s'est tous allongés. Il y a eu entre 50 et 100 coups de feu. La personne à côté de moi a pris une balle. » Voilà ce que raconte Thomas, l'un des témoins de la tuerie du Bataclan, à Paris, en ce vendredi, 13 novembre 2015. On apprendra par la suite que 129 vies ont été fauchées, tombées sous les balles de ces fous d'Allah, des djihadistes, qui ont tiré à l'aveugle sur la foule en criant : « Allahou Akbar ! » (Dieu est grand). C'étaient des kamikazes, car tous les assaillants étaient vêtus de gilets explosifs identiques bourrés de peroxyde d'acétone, de piles, de boulons et munis d'un bouton pressoir, afin de ne pas être capturés vivants. La mort, ils l'ont répandue dans sept lieux : le Stade de France où se déroulait un match Allemagne-France, le théâtre Bataclan où s'exécutait un group rock américain, le restaurant Le Petit Cambodge, le bar Le Carillon, la terrasse d'une pizzeria, rue de la Fontaine-au-Roi, le café La Belle Équipe, et le restaurant Comptoir Voltaire. Qu'ont en commun tous ces lieux? Ce sont des lieux de jeu, de fête, de célébration et de liberté. Voilà ce qui paraissait une hérésie pour ceux chez qui Dieu est un être exigeant, implacable et dur.

Quoi de plus naturel que de relire le récit des noces de Cana dans ce contexte, car le contraste est saisissant. Et il faut prendre le temps de bien le lire, autrement on manque l'essentiel pour ne retenir que le magicien Jésus. De quoi s'agit-il? À la base, il y a le récit de noce d'un petit village de Galilée à la laquelle est invitée la famille de Jésus. Voilà une scène habituelle d'une vie normale, et la participation de Jésus est cohérente avec ce que les évangiles nous révèlent des habitudes de Jésus qui accepte les invitations aux repas, au point qu'il a la réputation d'être un glouton et un ivrogne, contrairement à Jean-Baptiste qui a la réputation d'être austère (Voir Luc 7, 34). Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jésus a accepté de fêter et d'être prêt des gens. Mais quand l'évangéliste Jean écrit son récit, il a des choses encore plus profondes à dire.

Ce qui intéresse l'évangéliste, c'est de nous faire découvrir qui est vraiment Jésus. N'oublions pas. Quand le rédacteur principal présente sa dernière version de l'évangile vers les années 90, il a accumulé plusieurs années de réflexion et d'approfondissement de la signification de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus. Or, une scène de noce arrosée de vin lui donne l'occasion de présenter ce qu'a apporté Jésus dans nos vies : en Jésus, nous vivons une réconciliation et un mariage avec Dieu; rappelons-nous tous ces passages où Jésus se présente comme l'époux dans les évangiles. Rappelons-nous aussi du prophète Isaïe qui présente l'intervention de Dieu sous la forme d'un banquet avec des viandes grasses et arrosé de vin. Car pour l'évangéliste, depuis Jésus Dieu n'est plus un étranger : il nous est connu et devient un époux. Et ceux qui entrent dans une relation matrimoniale, deviennent des êtres nouveaux. Voilà pourquoi Jean situe la scène de Cana le 7e jour de la première semaine du ministère de Jésus : à la première semaine de la création dans la Genèse succède cette nouvelle première semaine de l'action de Jésus à la source d'une nouvelle création.

Pour expliquer ce que signifie être une nouvelle créature, l'évangéliste va se servir de la scène de l'eau qui devient du vin. Car il associe l'eau aux ablutions rituelles juives, et par là à toutes les règles que les religions du monde imposent aux gens. Tout cela est transformé et remplacé par le vin, qui est en fait la parole de Jésus. La Bible elle-même parle du vin en termes de sagesse dont on s'abreuve (voir Proverbe 9). Puisque nous nous abreuvons à même la sagesse de Dieu en Jésus, puisque nous sommes entrés dans son intimité, nous n'avons plus besoin de toutes ces règles religieuses, comme Jésus le dira à la Samaritaine en parlant des temples de Samarie et de Jérusalem : l'heure vient - et c'est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l'esprit et la vérité (Jean 4).

Au fond, les noces de Cana célèbrent nos propres noces, notre propre grandeur devant Dieu qui nous fait entrer dans une intimité matrimoniale. N'a-t-on pas raison d'entrer dans une fête qui durera toute notre vie?

Quand les djihadistes crient : « Allahou Akbar ! », ils se sont fabriqué une idole et ont sombrés dans l'idolâtrie. Parce qu'ils ne connaissent pas vraiment Dieu, ils ne connaissent pas vraiment l'être humain. Voilà pourquoi ils sèment la mort et la destruction, car une vie centrée sur les règles conduit à la mort. On ne parle pas seulement des djihadistes, on parle aussi de tous ceux qui se sont fabriqués un être dont ils ont peur, qu'ils considèrent intransigeant et exigeant. Pourtant, ce que dit l'évangéliste est clair : tout ce que veut Dieu est de pouvoir célébrer avec nous des noces, dans l'intimité et dans l'amour.

 

-André Gilbert, Gatineau, janvier 2016

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