Sybil 2000

Le texte évangélique

Jean 16, 12-15

12 «J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous êtes incapables de les supporter en ce moment. 13 Par contre, au moment où lui, l'Esprit de vérité, sera en vous, il vous fera vous ouvrir à toute la vérité. Car ce n'est pas de lui-même qu'il parlera, mais il transmettra plutôt tout ce qu'il entendra, et vous fera comprendre les événements qui viennent. 14 Lui, il vous révèlera la qualité extraordinaire de mon être, car c'est mon univers qu'il accueillera et vous le fera comprendre. 15 Tout ce que possède le Père est également mien; voilà pourquoi je vous ai dit que c'est mon univers qu'il accueillera et vous le fera comprendre.»

Des études

Tant de choses à partager


Commentaire d'évangile - Homélie

À son image Il nous a créé

La liturgie de ce dimanche entend célébrer la Sainte Trinité, i.e. l'affirmation que notre Dieu est trois personnes. Traditionnellement, la communauté chrétienne se réfère à cette affirmation comme à un mystère, une réalité difficile à comprendre: comment un être peut-il être à la fois trois et un? Et traditionnellement, la réflexion théologique présentera le rôle fonctionnel de chaque personne, la réflexion mystique parlera du flot d'amour jaillissant chez les personnes divines. Mais si je veux être franc, rien de tout cela ne me touche vraiment.

Le court extrait de l'évangile de Jean en ce dimanche dit toutefois quelque chose d'intéressant: il y a beaucoup de réalités révélées à travers Jésus que nous sommes incapables de porter seuls, auxquelles nous réussirons à nous ouvrir qu'avec le temps grâce au travail de l'Esprit, qui fera percevoir qu'à travers lui c'est la réalité même de Dieu qui se laisse voir. Qu'est-ce donc que cette réalité? Bien souvent, cette réalité pourrait se résumer dans la communion de Jésus avec son Père, et de l'Esprit à l'oeuvre en Jésus. Mais où donc Jean va-t-il chercher tout cela?

Quand l'évangéliste parle de communion entre le Père, Jésus et l'Esprit, j'ai la nette impression qu'il parle à partir de son expérience humaine de la communion. N'est-ce pas normal? Nous n'avons pas accès directement à l'être de Dieu, sinon à travers le miroir de nos expériences de vie. Et qu'a donc vécu celui que Jésus aimait, celui qui s'est ouvert l'esprit et le coeur à son enseignement, qui l'a accompagné sur les routes de Palestine, pour nous parler ainsi de communion?

C'est ici cependant qu'on peut aisément se faire illusion et mettre un peu partout l'étiquette "communion". Qu'est-ce au juste que cette communion? Je fais beaucoup plus souvent l'expérience d'absence de communion. Encore ce week end dernier, nous rendions visite à un couple de vieux amis. Les lieux d'échanges auraient pu ne pas manquer parce que l'un d'eux vit depuis quelques années des moments très crucifiants tant sur le plan physique que moral. Mais il fut impossible d'aller au "coeur des choses". Trop de fragilité? Trop de superficialité? Révolte aveuglante? Peu importe, ce fut impossible d'établir un courant empreint d'écoute et d'ouverture qui aurait permit de vibrer ensemble au mystère de chacun; il a fallu se camper dans les banalités et les choses extérieures à soi.

Je sais que la communion n'est pas une fusion. Quand quelqu'un ne peut plus supporter son existence et celle de son conjoint lors d'un divorce, au point de commettre un suicide ou un meurtre, affirme-t-il autre chose que sa relation était une béquille? Ou encore, un couple comme celui que j'ai rencontré dans les années '75, au plus fort des sessions de renouement conjugal, qui s'habillait de manière rigoureusement identique, ne renvoit-il pas un faux message, en plus de nous arracher un large sourire?

La communion n'est pas possible sans une grande capacité d'ouverture: "Car l'Esprit ne parlera pas de lui-même, mais ce qu'il entendra, il le dira". Qui se ferme à la joie et à la peine des autres, se ferme à la communion. La communion présuppose aussi une grande capacité de donner: "Tout ce qu'a le Père est à moi". Comme il m'est difficile de reprendre: "Ce qui est à moi, est aussi à toi".

Mais je perçois quelque chose de plus dans les affirmations de l'évangéliste: dans la mesure où on se réveille à ce qu'on est vraiment, on se rend compte qu'on a besoin de vivre la communion à la manière de cette eau vive que réclame la Samaritaine après sa rencontre avec Jésus. Se découvrir enfant de Dieu, c'est se découvrir appelé à la communion, une communion jamais totalement assouvie, parce qu'elle a les dimensions mêmes de la Trinité.

La vie avec ses soucis, ses heurts, ses déceptions, ses plaisirs, ses efforts, ses luttes, ses mesquineries peut parfois masquer partiellement cet appel inscrit au creux de notre être. Mais un jour, quelque chose s'échappe de nous, telle la lave brulante d'un volcan et nous le rappelle avec force. Je me souviendrai toujours de cette conversation avec un médecin japonais converti à la foi chrétienne. À ma question: "Qu'est-ce que la foi chrétienne a changé dans ta vie, puisque comme bouddhiste tu mettais l'amour au centre de ta vie?", il a répondu: "C'est vrai! Mais maintenant quand j'aime, je sais que je participe à l'amour même de la Trinité".

 

-André Gilbert, Gatineau, mars 2001

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