Sybil 2001

Le texte évangélique

Luc 3, 1-6

1 En l'an quinze du règne de Tibère César, alors que Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de Galilée, son frère Philippe tétrarque de la région d'Iturée et de Trachonitide, Lysanias tétrarque d'Abilène, 2 au temps du grand prêtre Anne et Caïphe, une parole de Dieu se fit entendre au désert dans la personne de Jean, fils de Zacharie. 3 Et lui se promenait dans les environs du Jourdain en prêchant un baptême qui impliquerait une réorientation de sa vie et une libération de toutes ses fautes. 4 Comme c'est écrit dans la Bible où on trouve ces paroles du prophète Isaïe:

Une voix crie dans le désert:
« Préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits les sentiers qui mènent à lui.
5 On comblera tout ravin
et on nivellera toute montagne ou colline,
tout comme on rendra droit ce qui est sinueux
et lisses les chemins raboteux.
6 Ainsi tout être humain pourra voir la libération apportée par Dieu. »

Des études

L'avenir est déjà dans le présent


Commentaire d'évangile - Homélie

Comment se préparer pour les surprises de la vie?

C'est le propre de nos vies que de rencontrer des surprises ou des évènements que nous n'avons pas vu venir. En ce moment, on recherche des alpinistes pourtant expérimentés, portés disparus dans les montagnes de l'ouest canadien: leur kayak aurait chaviré. Si on savait ce qui nous attend, n'agirions-nous pas différemment? J'exerce le métier de gestionnaire dont l'une des composantes est de gérer le risque. Mais comment peut-on gérer ce qui est inattendu? Qui de nous sait quand et comment il mourra? Nous avons peine à deviner quelques éléments de notre lendemain. Alors pourquoi l'évangile de ce dimanche nous lance-t-il l'invitation à «préparer le chemin du Seigneur», alors que ce Seigneur est aussi présenté comme celui qui bouleverse nos vies et nous surprend?

On peut penser que, puisque l'inattendu est imprévisible, il échappe à toute préparation. Rien de plus faux. Qui n'a pas été confronté aux examens dans le monde scolaire? Oh! bien sûr! Les surprises sont d'inégales valeurs. Mais, en règle générale, on peut vérifier le degré de préparation. La même règle vaut pour les entrevues d'emploi. On distingue bien les gens qui sont prêts et ceux qui ne le sont pas. La même règle vaut pour les divers défis que nous lance la vie. Pourquoi l'avons-nous refusé un jour, accepté l'autre jour? Dans un cas nous n'étions pas prêts, dans l'autre cas, oui. Nous sentons bien au fond de nous une forme de mûrissement qui nous rend de plus en plus aptes à quitter la fragilité de l'enfant pour affronter les aléas de la vie.

Malheureusement, ce mûrissement pour bien vivre l'imprévisible n'est pas un processus automatique. Un exemple? On a beaucoup parlé dans les journaux de l'effondrement d'un viaduc en réparation qui a fait un mort, dans la banlieue Nord de Montréal. Bien sûr, avoir su que les vibrations des voitures et le vent auraient fait bouger les poutres de béton, on serait intervenu. Pourtant, le verdict de l'enquête a été sévère: manque de communication entre différents groupes, manque d'encadrement d'un ingénieur junior. Pensez-vous qu'on a manqué de communication seulement la veille de l'accident, ou encore, que c'était la première fois qu'on ne souciait pas d'assurer un bon mentorat? On laisse aller une chose une première fois, puis une deuxième fois, et à la fin, c'est devenu une culture d'entreprise. L'attitude qui aurait été nécessaire pour affronter l'imprévu n'existait plus.

L'évangile raconte que Jésus, à l'époque de Tibère César, s'est ouvert à quelque chose de nouveau, la prédication de Jean-Baptiste. Il était prêt, les obstacles avaient déjà été enlevées. Comment s'est-il préparé? Malheureusement, on ne sait à peu près rien de sa vie privée. Mais il me semble qu'on pourrait reprendre à son compte ce qu'on dit aux gens qui se préparent à la retraite: une chose que vous n'avez pas fait avant votre retraite, vous ne le ferez pas plus à votre retraite. Je n'ai pas de prise sur l'avenir, mais seulement sur le présent. Si je suis ouvert aujourd'hui, je serai ouvert demain. Si j'aime aujourd'hui, j'aimerai demain. Et même si je ne sais rien de ma mort, elle sera le reflet de ma vie.

Voilà pourquoi il y urgence de s'y mettre aujourd'hui même, comme le répète si souvent Jésus. Une histoire vécue l'illustre. Un jour, une femme, patiente d'un psychiatre, dans un moment de folie, avale d'un trait un plein contenant de médicaments pour en finir avec sa situation. Mais dans un dernier sursaut de vie, elle empoigne le téléphone, compose de peine et de misère le numéro de son psychiatre et, devant l'absence de réponse, balbutie son nom dans la boîte vocale. Tout semble donc terminé, et l'esprit s'embrouille de plus en plus. Mais très peu de temps après, ce psychiatre rappelle, et alors qu'elle réussit à décrocher le combiné, lui parle constamment pour la maintenir éveillée tout en ayant demandé l'envoi d'ambulanciers. Elle fut sauvée et, pour exprimer sa reconnaissance, écrivit une lettre dans le journal pour tout raconter. Tout a tenu dans le soin qu'a pris quelqu'un de retourner un appel. Pensez-vous que c'était la première fois que ce psychiatre se donnait la peine de retourner un appel et se souciait d'un patient? Mais derrière cet appel retourné, il y a tous ces autres appels retournés avec empressement jour après jour.

Je ne connais pas l'avenir et sans doute me réserve-t-elle beaucoup de surprises. Cependant, dans mon attitude quotidienne et les décisions que je prends dès aujourd'hui, je peux enlever les obstacles dont parle Isaïe et ainsi agrandir ma capacité d'accueillir ce qui me sera donné. Jésus n'a pas d'autre secret à nous partager que celui-là.

 

-André Gilbert, Gatineau, août 2003

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