![]() Sybil 2000 |
Le texte évangélique
Luc 1, 39-45 39 En ces jours-là, Marie se leva et s'empressa de se rendre dans la région montagneuse d'une ville de Judas. 40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élizabeth. 41 Celle-ci, quand elle entendit la salutation, sentit tressaillir l'enfant qu'elle portait et, inspirée par l'Esprit Saint, 42 s'exclama de toutes ses forces: «Formidable! Comme tu as été comblée par l'attention amoureuse de Dieu plus qu'aucune autre femme, et comme aussi l'enfant que tu portes a été comblé! 43 Mais comment se fait-il que j'aie le privilège d'avoir la visite de la mère du messie? 44 Car aussitôt que le son de ta salutation est parvenu à mes oreilles, l'enfant que je porte a tressailli de joie. 45 Bravo, pour celle qui a su croire que le Seigneur donnera une suite à toutes les paroles qu'il lui a dites, jusqu'à leur plein accomplissement. » |
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![]() Un petit frère ou une petite soeur? |
Commentaire d'évangile - Homélie Croire, c'est voir l'enfant que nous portons Nous vivons une époque difficile. Il me semble que nous sommes si loin de la période où tout semblait possible, où on chantait: "C'est le début d'un temps nouveau!", où on croyait pouvoir changer le monde. Nous sommes plutôt aux constats d'échec. À Cancun, au Mexique, on vient de reconnaître qu'il est impossible de s'entendre entre pays riches et pays pauvres sur le plan de l'agriculture. Dans mon milieu de travail, on ne parle que de projets qu'il faut abandonner, faute de fonds. Un parent me décrivait récemment l'atmosphère pourrie à l'usine, à la suite d'une grève de presqu'un an, et de ses craintes de perdre son emploi. Même chez les chrétiens, l'atmosphère est devenue morose. On ferme les églises, on rapaille les forces sous des unités pastorales, en essayant de faire fonctionner tant bien que mal une structure traditionnelle. Et même un pape essouflé, pouvant à peine se déplacer, vient symboliser un monde vieilli. Dans ce contexte, le récit d'évangile de ce dimanche constitue un choc. Les images fortes se succèdent: une femme se lève pleine d'énergie et franchit en vitesse une région de montagnes pour atteindre un village du sud du pays; sa cousine, en la voyant, crie de toutes ses forces sa joie, car elle voit des choses tellement merveilleuses se produire, et par elle, c'est tout un peuple qui voit son avenir s'ouvrir avec la venue d'un messie. On a l'impression d'assister au matin du monde, le soleil se lève, les oiseaux chantent, deux enfants vont naître, la vie est belle, tout est possible. Pour comprendre cette scène d'évangile, je repense aux yeux de cette collègue de travail, jusque-là sans enfant, lorsqu'elle a appris la date de son départ pour la Chine, où l'attendait une petite fille de 8 mois, confiée à l'adoption; les yeux brillaient, tout son corps rayonnait, elle ne portait plus sur terre. Je repense aussi à ce couple, d'abord veuf et veuve à la suite des événements du 11 septembre 2001 au World Trade Center de New York, qui se sont rencontrés et sont devenus amoureux: ils se sont surpris à se parler des heures de temps, sans pouvoir s'arrêter, ayant le sentiment de vivre un conte de fée. Moi qui appartiens à un monde morose, je reçois cet évangile comme un choc, avec une note d'envie. Pourquoi ne pouvons-nous pas vivre la même chose? Est-ce vraiment possible? Ne m'invite-t-on pas à un monde d'illusions? Sans doute faut-il prendre le temps de vivre ces sentiments et ces questions, avant de faire cette immense prise de conscience: je peux devenir Marie, cette femme qui se lève debout et franchit les montagnes avec énergie, je peux être Élizabeth qui voit autour d'elle des gens choyés et comblés au-delà de toute mesure et célèbre l'espoir d'un peuple. Mais Comment? La réponse est dans la bouche d'Élizabeth: "Si tu sais croire que le Seigneur donnera une suite à toutes les paroles qu'il a dites, jusqu'à leur plein accomplissement." Croire, c'est voir l'invisible, et donc voir cet enfant que je porte. Vous comme moi, nous portons au fond de nous un mystère de vie, un amour qui nous dépasse, que nous sentons plus présent ou plus absent à certains jours. Seule la foi permet de le voir constamment. C'est ce qui a soutenu Jésus, lui a permis d'agir autrement que les autres et l'a amené à parler du Royaume de Dieu. Nous portons le même mystère d'amour, le même monde qui demande à naître. Nous voudrions le voir hors de nous, tout fait, avec sa stature d'adulte, alors qu'en fait, il est en partie invisible, et qu'il nous revient de le mettre au monde. Ce monde nous apparaîtra comme un jour nouveau qui se lève ou comme un soir qui décline, selon que nous le regardons ou non avec les yeux de la foi. Quand les disciples, qui ont pêché vainement toute la nuit, répondent à Jésus: "Sur ta parole, nous continuerons à pêcher", ils découvriront l'aube du monde. Mais attention! Je serai d'autant plus en mesure de voir la réalité merveilleuse qui est en train de naître que j'éviterai un piège: celui d'espérer que mon enfant sera tout simplement un clône de ce que je suis. C'est impossible! Naître, c'est devenir autre. Seuls la foi et l'amour nous permettent de nous en réjouir. Au moment où nous apprêtons à célébrer Noël, prenons conscience que ce Jésus à naître est au fond de nous, que tous les espoirs sont permis, et que « le Seigneur donnera une suite à toutes les paroles qu'il a dites, jusqu'à leur plein accomplissement. » (Lc 1, 45)
-André Gilbert, Gatineau, septembre 2003 |
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