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Sommaire
La présence des foules est-elle une création des évangélistes pour des raisons littéraires et religieuses, afin dintroduire une forme de choeur dans les récits et accentuer la popularité de Jésus pour des raisons de propagande? En utilisant les critères dhistoricité que sont les attestations multiples des sources et le rejet final de Jésus, il faut reconnaître que, sur le plan historique, Jésus a attiré des foules. Tous les évangiles le mentionnent, ainsi que lhistorien juif Flavius Josèphe. Ce fait permet de mieux comprendre la crucifixion de Jésus, une intervention des autorités avant que cette popularité ne dégénère.
Par contre, cette foule demeure une masse indifférenciée dont on ne peut apprécier le nombre. On y trouve une majorité de pauvres, mais aussi des gens à laise. La majorité de ces gens ne franchiront pas la ligne invisible qui sépare un auditoire de curieux ou de sympathisants dun groupe dadhérents engagés.
- Introduction : déterminer la bonne catégorisation
Les évangiles utilisent le verbe « suivre » pour décrire la relation des gens avec Jésus. Mais ce verbe renvoie au geste physique de suivre, et inclut toutes les attitudes possibles, celui du pseudo-disciple qui est simplement un curieux, celui du sympathisant qui adhère à son message, ou encore celui du véritable disciple qui sattache à sa personne. Ce verbe ne se retrouve presquuniquement dans les évangiles et décrit donc un vaste spectre dattitudes différentes. Notre étude commencera par le cercle extérieur des simples curieux avant danalyser le groupe interne des Douze. Notons que ces différents cercles concentriques sont fluides, puisque des gens dabord sympathisants pouvaient par la suite devenir indifférents.
- Le cercle externe : les foules
Les évangiles utilisent diverses expressions en référence à la foule : la foule (ochloi), la multitude (plethos), beaucoup de gens (polloi), et tous (pantes). Le fait historique que Jésus ait attiré des foules est confirmé par lutilisation de deux de nos critères dhistoricité : les attestations multiples des sources et le rejet de Jésus.
- Les quatre évangiles mentionnent la présence des foules. Prenons lexemple du récit du ravitaillement de la foule par Jésus (Mc 6, 32-44 || Mt 14, 13-21 || Jn 6, 1-13 || Mc 8, 1-10 || Mt 15, 32-39) qui présuppose lexistence dune grande foule, même si le chiffre de 5 000 personnes est à prendre avec un grain de sel. La mention de la foule est parfois sur les lèvres des disciples comme en témoigne la guérison de lhémorroïsse (Mc 5, 24-34 parr.) quand ils mentionnent la foule après la question de Jésus demandant qui lavait touché. Les paroles de Jésus présupposent parfois une foule, comme en Mc 8, 2 (début du ravitaillement de la foule) : « Jai pitié de la foule, car voilà déjà trois jours quils restent auprès de moi et ils nont pas de quoi manger. » La source Q contient deux références à la foule : Mt 9, 33 || Lc 11, 14 (Les foules émerveillés disait...) et Mt 11, 7 || Lc 7, 24 (Jésus se mit à dire aux foules...). Enfin, il y a lhistorien juif Flavius Josèphe qui, dans ses Antiquités juives, écrit : « Et Jésus attira à lui beaucoup de Juifs et beaucoup de Grecs. »
- Le critère du rejet de Jésus et de sa mort confirme également que, sur le plan historique, Jésus a attiré des foules. Tout dabord, il est plus facile de comprendre la crucifixion de Jésus par le fait quil attirait une large foule plutôt que par celui quil aurait été ignoré par lensemble de la population. Ensuite, il y a lexemple de Jean Baptiste qui, selon Flavius Josèphe, a eu beaucoup de succès auprès des foules, et cest ce succès qui a amené Hérode Antipas à le jeter en prison et à le faire mettre à mort. Même si lhistorien juif ne le dit pas explicitement pour Jésus, le fait de dire quil fut crucifié immédiatement après avoir mentionné son succès auprès des foules nous oriente dans la même direction. Et il est tout probable que ce succès auprès des foules se soit poursuivi jusquà la fin, lors de la fête de la Pâque juive à Jérusalem, car cest à ce moment que Caïphe et Pilate décident dintervenir, avant que les choses naillent trop loin.
Peut-on donner une idée de la grandeur de cette foule? Malheureusement, les données nous manquent. Cette foule demeure largement indifférenciée. La vaste majorité est pauvre, mais cela demeure le fait de la plupart des gens de la Palestine du 1ier siècle. Quelques individus émergent de cette foule :
- Lévi, le percepteur aux douanes à Capharnaüm (Mc 2, 13-15)
- La femme avec des hémorragies qui avait une certaine richesse et lavait dépensée auprès des médecins (Mc 5, 25-34)
- Jaïre, un chef de synagogue qui vivait dans une maison à plusieurs pièces (Mc 5, 21-43)
- Un centurion ou officier royal à lemploi dHérode Antipas (Mt 8, 513; Jn 4, 46-54)
- Zachée, un riche percepteur aux douanes à Jéricho (Lc 19, 1-10)
- Une femme capable de se payer une pommade de grands prix (équivalent à un an de salaire dun journalier, disons 35 000$) quelle va gaspiller auprès de Jésus (Mc 14, 3-9)
- Le propriétaire anonyme de Jérusalem qui offre à Jésus et à ses disciples une pièce pour son dernier repas (Mc 14, 12-26)
- Différents propriétaires qui reçoivent comme invités Jésus et ses disciples tout au long de son ministère public
Cette image de Jésus frayant avec des biens nantis est contrebalancée par sa fréquentation des lépreux, des aveugles mendiants et beaucoup de gens qui étaient en marge de la société. Enfin, précisons que cette foule qui entoure Jésus est différente du groupe appelé « les pécheurs », des gens qui avaient rejeté les commandements du Dieu dIsraël et avaient adopté les coutumes des Gentils.
Lintérêt de cette foule pour Jésus et son mouvement religieux est analogue à celle de plusieurs Juifs pour le mouvement pharisien : il y trouve un mélange de respect, de sympathie et même parfois lacceptation dune certaine influence, mais sans aller jusquà une adhésion comme membre à temps plein.
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