Etty Hillesum - Matthieu 26, 26 (Les écrits dEtty Hillesum. Journaux et lettres 1941-1943. Édition intégrale. Paris: Seuil, 2008, 1081 p.) 26 Or, tandis quils mangeaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant: "Prenez, mangez, ceci est mon corps."
Le lendemain matin, de bonne heure [mardi 13 octobre 1942]. « Il est des gens que je porte en moi comme des boutons de fleurs et que je laisse éclore en moi. Dautres, je les porte en moi comme des ulcères, jusquà ce quils crèvent et suppurent. - (Mme Bierenhack) « Vorwegnehmen » (anticipation). Je ne connais pas de bonne traduction hollandaise de ce mot. Depuis hier soir, du fond de mon lit, jassimile dores et déjà un peu de la souffrance infinie qui, disséminée dans le monde entier, doit être assumée. Jengrange davance un peu de cette souffrance en prévision de lhiver. Cela ne se fera pas en un jour. Jai une rude journée devant moi. Je vais rester couchée et je « prendrai » en quelque sorte une « avance » sur toutes les rudes journées qui mattendent encore. Lorsque je souffre pour les désarmés, nest-ce pas souffrir en fait pour ce quil y a de désarmé en moi ? Jai rompu mon corps comme le pain et lai partagé entre les hommes. Et pourquoi pas ? Car ils étaient affamés et sortaient de longues privations. p. 759-760 |